A 6 semaines de Kona, je devais faire le LD de Huelgoat pile bien calé pour finir des semi-vacances bretonnes et faire un point dans la prépa.
Mais pour plusieurs raisons :
- suite au stage club avec Jérôme Lemoine, nous avions pris bcp de plaisir à faire les séries où nous nous retrouvions en vélo et à pied toujours dans des temps très, très proches et à Troyes le chassé-croisé nous avait bien boosté tous les 2. Jérôme, ami de longue date et dans le potentiel duquel j'ai toujours cru, n'avait jusqu'ici jamais couru le marathon d'un IM à son niveau pour x raisons et je lui avais promis que sur son prochain je serai là pour l'aider d'une manière ou d'une autre à enfin se faire plaisir et être LUI. "Malheureusement" pour moi, il choisit le Ch'triman. Une promesse est une promesse donc pas de Huelgoat.
- Craft, la marque de textile sportif suédoise qui est un de mes partenaires l'est aussi du Ch'Triman donc assez cohérent d'y participer d'autant que leurs petites manchettes fines vélo m'ont sauvé d'une belle hypothermie naissante au km10.
- je ne crache pas sur la WTC (société propriétaire du label Ironman) sans aimer sa dérive business croissante mais je suis aussi fan et admirateur des assos/club qui organisent de grandes courses de manière très pro et sans chichis au juste prix et en toute sécurité (bref, pas comme Embrun donc ;-(). Le minimum de cohérence (qui manquent à tous les râleurs sur les tarifs qui s'inscrivent bizarrement ailleurs alors que le Ch'triman est la moins chère des distances Ironman et l'une des mieux organisées) était donc de m'inscrire et participer, modestement, à mon souhait de voire ces 2 alternatives de pratiques compétitives continuer de perdurer.
- à 2h de route de chez moi, c'est l'occasion de retrouver plusieurs athlètes que j'entraîne soit en spectateurs soit en participants sur le Full (les 3 animaux de VdR Tri) ou sur le Half (Christophe et le lièvre des Vauloines ;-)
- il paraît que NPA sera spectateur !
... je me suis donc inscrit au Ch'triman, avec la double idée suivante :
1- faire un test de prépa sous la forme d'une nata tranquille ne m'étant pas encore entraîné pour Kona dans cette discipline / un vélo 2 tours en dedans, 1 tour allure half en surbraquet, 1 tour allure IM / à pied faire 10,5km vite puis un second tour tranquille et abandon
2- servir de points d'appui à Jérôme qui connaissant ma gestion saurait se situer au niveau des allures en fonction de l'évolution de nos écarts puis lui hurler dessus du bord de la route ;-)
Ce choix est validé avec Guillaume Barreau, fin spécialiste du tri et qui me connaît mieux que personne. Je sollicite très souvent son avis pour ce genre de moments-clés d'une prépa et les échanges sont toujours très productifs et ses avis objectifs précieux. Après regard de la start-list, il me dit qu'il faut quand même anticiper un éventuel scenario où je serai aux avant-postes à ce moment programmé de l'abandon. On décide que quoi qu'il arrive je ne dois pas puiser et que la question de continuer se posera uniquement au km20 si et seulement si je suis devant avec une confortable avance. Le scenario est peu probable mais on ne sait jamais, un blessé, un gars qui ne sait pas lire une flêche, un autre en hypo, un incident mécanique et ça peut se produire. Si tel devait être le cas, nous aviserions en cours de route mais priorité à ne pas puiser.
Les jours précédents je n'ai donc pas coupé faisant même l'une de mes plus belles et longues séances à pied sur un GR breton avec mes 2 compagnons de bolées et autres galettes, Tonio et Gujégajé, et encore de belles séances 2-3 jours avant.
La veille, je retrouve Jérôme et Christophe pour 50km de reco du parcours, où le jeu consiste à faire apparaître le signe :-( sur le bonhomme des nombreux radars de prévention à l'entrée des villes. L'idéal pour un réveil musculaire ;-)
Quelques sushis et makis plus tard, un bon dodo et nous voilà au départ.
Natation : malgré le peu d'inscrits (150), ça frotte bcp, tout le monde voulant conjointement prendre les jambes du MSA Boy, Kévin Morel (ancien champion de Normandie Cadet de Tri qui fait ses débuts
sur la distance) et longer la berge pour limiter l'effet du courant.
Jusqu'au 1000m, je suis à ses côtés puis on me choppe la jambe vigoureusement. Je m'arrête et sans violence repousse l'abruti en question, lui expliquant que s'il pouvait passer d'éducs "poings fermés" à "retour rasant" ça arrangerait tout le monde. Il acquiesse et nous repartons en queue de ce peloton d'une dizaine d'unités, alors qu'un nageur est parti seul en tête.
Comme souvent, je m'ennuie sévère à partir de 30' mais le fait que les spectateurs marchent à côté sur les berges fait passer le temps et animent le truc.
Fin de nata, je dois être aux alentours de la 11è place. (En fait 12è en 56'43)
Transition très lente car je teste une tenue potentielle pour Kona que je dois enfiler et prends soin de la combi néoprène prêtée par Chico.
C'est parti pour le vélo. Je double rapidement la majeure partie des gars de mon groupe nata et me retrouve 3è au km 15 environ. Le vent souffle déjà pas mal et au km 25 la moyenne est à 31,7 oops. Le retour est très favorable mais plus court en distance. Fin du premier tour en 1h15 (un peu plus de 36km/h). On m'annonce autour de 4' de la tête et 2 ou 3è (peut-être un relais intercalé ?).
Deuxième tour, je m'attends à un possible retour de Jérôme à partir de ce moment et regarde de temps à autre derrière, s'il "rentre". Pendant 100km, personne devant, personne derrière, personne dans les villages => m'en fous, j'aime le calme et ne pas déranger les gens pour mon petit plaisir. J'occupe mon esprit en pensant à tous ceux que j'aime, à "mes" athlètes en course sur toute la France.
Au passage au km90 (deuxième tour en 1h16), Guillaume est arrivé et m'annonce un maintien de l'écart.
3è tour, je commence donc la séance ... mais le vent aussi. Ca se lève pas mal et bien qu'étant en gros surrégime, je suis parfois scotché (rouler à 20km/h sur du à peine 3% à 300W, je vous laisse calculer le vent. Je ramasse les copies dans 10' (postulat d'un Crr à 0,005 à cet endroit et d'un Cx à 0,5) ;-). Même si je prends volontairement un braquet un peu trop gros donc pas optimal pour la vitesse, faut avoir le moral accroché.
Fin du 3è tour, je lape en 1h15 (donc vu le vent, c'est un très bon tour) et je m'attends à un "tu as repris X minutes" avec un sourire de Guillaume qui se solde finalement par un "écart toujours stable 5'". Ah ? Ben mince alors...
Le 4è tour, je lève le pied d'autant que je teste un protocole d'alimentation bcp plus light que d'habitude et sens que je suis un peu juste juste à certains endroits surtout avec un 3è tour "punchy".
Le vent est de pire en pire, on double des cyclos qui rentrent chez eux après la sortie dominicale, complètement en travers. Je me demande ce que fait Jérôme mais je me dis qu'il doit préparer un mode Janolapin plus que Mouloud hit the road.
1h20 pour ce dernier tour. Passage au km180 en 5h06. Petit raccord pour rejoindre le parc et vélo en 5h10 (3è temps vélo) pour un peu plus de 182km réels et environ 1400m de D+.
Transition une nouvelle fois assez lente pour changer de cuissard. Je risque le carton rouge (pas de tente de changement, pas le drap magique de Léo et les WC sont super loin) pour nudité mais n'ayant pas prévu de finir, ce n'est pas très grave et prends quand même soin de faire l'opération assez discrètement. Je repars et on m'annonce 2è à 1'30 !!! NPA me crie "jusqu'au bout alors qu'il sait que je dois abandonner". Prémonitoire ? Là, je me dis que le 3è tour a dû coûter très cher au leader. Je pars avec le plan en tête ne m'inquiétant que de la position de Jérôme sur lequel je n'ai pas d'infos. Au km3, sur le bord du canal, j'ai repris le leader, Ludovic Dailliez, qui semble à la peine. Demi-tour. Passage au km 5 en 19'53. Même si j'ai pris des chaussures confort, la foulée reste correcte et les sensations sont sympas. Le km6 avec les racines et le sous-bois est plus lent mais le coca de Turtle fait effet et je relance derrière. Passage au 10km en 40'40. Je lève maintenant le pied et fais le point avec Guillaume qui m'annonce au moins 5' d'avance. Je croise enfin Jérôme qui a donc 3km de retard et doit se situer aux environs de la 4-5è place. Il me fait un grand sourire, me dit un truc du style "c'est le bon jour" et on se tape dans la main. Notre BTD de luxe est bien parti ;-)
Je finis ce tour en tournant tous les km autour de 4'45-4'50 sous les encouragements notamment d'Alex, un brin ému ;-) Là, je prends conscience de plusieurs petites choses.
Tout ce tour est passé à cogiter sur la suite raisonnable à donner puisque le peu probable s'est produit et que je suis donc en tête avec une avance confortable. Je discute avec le VTTiste ouvreur, super sympa, qui m'incite aussi à continuer. Vis-à-vis de l'orga et du public, ça fait également un peu prétentieux de galvauder une course en arrêtant alors qu'on est en tête. Ayant été organisateur, je sais que ce serait forcément pris par les médias comme un manque de valeur sportive accordée à l'évènement et un mauvais tour joué aux organisateurs.
J'attends l'avis définitif de Guillaume qui m'annonce plus de 8' d'avance et me demande mon état. Les jambes sont forcément un peu dures surtout avec cette foulée limitant l'impact excentrique mais sollicitant bcp en concentrique mais pour tout le reste, tout est "facile" (toutes proportions gardées). Il me propose d'accélérer pour tuer la course si ça ne me coûte pas mais je sens que remettre du gaz me coûterait forcément et je veux garder un max de fraîcheur pour Kona, je continue donc à cruiser un peu au-dessus de 12km/h. On m'annonce le 3è à plus de 15' et Jérôme second. Génial !!! Je dis à Guillaume de prévenir Jérôme que je l'attends.
Je décide donc de faire le 4è tour sur le même rythme et normalement Jérôme devrait recoller au km35. Km35, pas de Jérôme, je m'inquiète ! Je le croise enfin et il serre fort les dents mais sa foulée reste très propre. Ca va le faire, le scenario parfait va se produire, grosse émotion quand il me rejoint au km39. On pense à ceux qui auraient aimé être là (Mitch, Tim notamment) et auraient sûrement eu la même émotion. Je préviens Jérôme que je dois faire un détour vers le parc pour aller chercher ma tenue club car je n'avais pas du tout prévu cette issue or pour le club, les partenaires et l'harmonie de la photo, ce serait dommage d'être tout en blanc (moucheté de coca ;-))
Au km 41,5 Jérôme manque de s'éclater sur un trottoir, ce qui nous remobilise : une course n'est jamais finie.
Je m'échappe pour prendre un peu d'avance et aller au parc. Personne ne comprend rien et on me bloque l'entrée pour me diriger vers la ligne d'arrivée mais le speaker percute que je dois aller chercher ma tenue puis vois arriver Jérôme en marchant. Tout le monde est un peu perdu lol. Je retrouve enfin ma tenue dans les sacs et rejoins Jérôme à la hâte. Habillage express et l'on finit ensemble la dernière ligne droite en profitant de notre bonheur. Soudain, un Cornofulgure déboule et c'est Christophe qui finit son half pleine balle, ce sera donc une arrivée à trois ! Quel scenario !
3h20 (3h22 avec le sketch final) pour ce marathon atypique (4è temps) et 9h33 au total.
Un beau dimanche réussi sur tous les plans : c'est bon ça !!!!
Le seul bémol concerne le fait que le règlement impose de départager les ex-aequo ce qui amène une situation bâtarde et offre une victoire au goût bizarre à Jérôme dont il ne peut profiter pleinement et moi un rôle de grand seigneur que je ne suis pas... c'était juste une arrivée de 2 potes qui ne voulaient pas être départagés, ça ne va pas chercher plus loin.
D'autant que rien ne dit que si j'avais cherché à assurer la gagne, je n'aurai pas connu un souci (hypo, crampe, entorse sur les racines...) et manqué le plaisir d'avoir vu Jérôme courir un sub 3h10 sur un marathon Ironman (aux distances entières contrairement à la quasi totalité des IM européens).
Merci l'orga, merci Jérôme, merci Guillaume, merci à tous les spectateurs/concurrents très sympas, merci au VTTiste ouvreur et j'en oublie forcément !
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