Challenge Barcelona (relais vélo du distance Ironman).
Inscrits en relais, nous partons dans la dernière vague (8h40 alors que la première - pros en individuel-) est parti à 7h30.
Je regarde le départ de notre nageur, Florian, remonté comme une pendule qui a 3' d'avance, et pars rejoindre le parc de transition avec un gros 45' pour faire un échauffement minimal. Ce sera finalement un échauffement uniquement de mes oreilles et celles d'une arbitre puisque j'apprends à 40' du départ qu'il faut aussi un dossard pour le cycliste alors qu'un seul dossard est fourni et que la question a été posée par mes coéquipiers au briefing, auquel je n'ai pu assister à cause d'un énième retard (4h10 quand même) d'Easyjet ou plutôt Lazyjet pour mes récentes expériences avec ladite compagnie. Le souci est que le dossard est entre les mains de Vincent, notre coureur, resté à l'hôtel. Nous sommes 7 équipes dans le même cas de figure dont 5 de notre groupe rouennais et nous n'avons même pas le droit de courir jusqu'à l'hôtel. L'info finit par sortir du parc on ne sait comment et Sylvain au prix d'un 2*2000m a bloc, récup : montée d'escaliers 4 par 4, nous ramène les dossards à moins de 5' de la sortie du premier nageur. Du coup, l'ingéniosité de Papa Boulc'h qui m'avait confectionné un dossard de fortune assez impressionnant ne sera même pas récompensée ;-(
Florian sort finalement 2è de la vague relais sur une grosse trentaine d'équipes. Je m'élance donc avec environ 2' de retard sur une équipe espagnole dont l'antipathie manifeste traduit une motivation semble-t-il assez forte. Nous n'avons pas trop regardé la concurrence mais sachant notre coureur blessé au pied, il faut impérativement que j'essaie de prendre un max d'avance à vélo si jamais j'en ai la possibilité.
Je pars donc pied au plancher avec une stratégie offensive (très vite jusqu'au premier croisement - km35 - puis gestion jusqu'au suivant - demi-tour au km70 - pour voir l'évolution de l'écart selon les 2 stratégies. Le départ en ville est sinueux et dangereux : une douzaine de dos d'âne, plaques d'égouts, sable de la plage etc. pendant 3km puis c'est la nationale pendant 174km (2 grands et 1 moyen A/R). N'ayant pu rouler la veille à cause du retard de l'avion, n'ayant pu m'échauffer à cause du souci du dossard, je sais que le départ sera délicat et difficile à gérer. Comme escompté, j'ai la méga patate et l'illusion d'une grande forme. Je tempère donc au moins le temps de sortir de la ville puis me lâche progressivement. Je dépasse forcément beaucoup (vagues espacées de 10') en tant que relayeur et essaie d'encourager les français que je reconnais. Km8, je passe enfin au-dessus des 40km/h de moyenne après des premiers km lents (ville puis les bosses de sortie de ville). On arrive sur la partie plane et ça roule vraiment vite. Km 10, un des nombreux rond-points qui se prennent pour la plupart quasi sans freiner manque de m'être fatal...je viens d'avoir une crevaison lente à l'avant. Je pile et m'arrête. J'ai un boyau de rechange mais pas de CO2 (interdit dans l'avion et pas eu le temps d'en acheter en arrivant avec le retardement du vol) et j'ai donc ma petite pompe. Après quelques péripéties bla bla bla, j'arrive à gonfler lentement et sûrement à ... pas bcp ... de bars. Les rouleurs des équipes copines me dépassent juste au moment où je relance et j'estime donc à 8' environ le retard pris puisque leurs nageurs annonçaient un 57' +/- 2'. Je repars sur les chapeaux de roues mais le chapeau est plus proche du béret mou que de la bombe de jockey car ce n'est pas assez gonflé - pas trop gênant sur le plat mais impossible de prendre les rond-points en penchant le vélo - je finis quand même par rattraper Dominique qui me file gentiment son Pit-Stop. Je risque la disqualification pour cette aide extérieure mais je préfère le carton rouge au carton tout court, je m'arrête donc pour emmancher le Pit-Stop mais un malheur n'arrivant jamais seul la valve du boyau de rechange est grippée par la colle à boyau qu'elle a dû accumuler dans le pliage. Du coup tout ressort et je fais comme on dit du côté de la place du Boulingrin : une cauchoise. Je regonfle donc au maximum mais la pompe chauffe autant que mes biceps et le volume du pneu augmente autant que le volume de ces derniers. Bref, y a pas grand chose à l'intérieur et je m'apprête à repartir quand je crois mon malheur total lorqu'un arbitre s'arrête à ma hauteur. Je m'attends à une logique disqualification mais non, il me demande si je veux qu'il récupère la bombe : "euh, mais volontiers monsieur !".
Ouf !!! Mais, je ne suis pas bien avancé, j'ai encore perdu du temps pour rien et repars un peu dégouté et inquiet. Heureusement, au km 20 environ, un stand de réparation de l'orga me permet de regonfler avec une pompe à pied, j'étais en fait à 4 bars - je me dis, au passage, qu'il me faudra au moins en écumer autant pour noyer mon chagrin dans la soirée - et c'est désormais reparti le couteau entre les dents pour enfin faire un point sur la situation même si j'imagine que d'autres équipes relais m'ont doublé mais je me focalise simplement sur les écarts avec le premier parti du parc et que j'ai identifié au niveau de la tenue (cuissard rose) et avec Fabien MERCIRIS qui a des ambitions chronométriques proches des miennes (lui faisant l'épreuve en entier !!!). Au premier demi-tour j'ai donc 12' de retard sur le premier relayeur et 32' sur Fabien (parti quelques vagues avant la nôtre), j'essaie de bien m'alimenter et de rattraper mon retard tout en prenant soin de ne pas récupérer un 2nd silex ou autre aux conséquences dramatiques pour l'équipe. Le vent ne s'est pas encore levé et la vitesse est tes élevée. Mon Garmin s'arrêtant sous les 5km/h, je connais mon temps de roulage effectif et la moyenne sur le premier tour est de 41,5 km/h. J'attends impatiemment le pointage de cette fin de 2nd tour : verdict => j'ai repris 2' en 35km au relayeur rose et 1 grosse minute à Fabien en 35km. C'est bon signe et les encouragements de la jungle expatriée (tigres et tigresses rouennais et lions et lionnes saint-marcelllais) font du bien.
2è tour sur les mêmes bases, je passe au km82 en pile 2h et au km90 en 2h12'27. Hop, hop, je multiplie par 2, je soustrais la fatigue par 3 et divise les douleurs par 4 auxquels je rajoute le sprint final et zou, on obtient un sub4h25 auquel je vais rêver... pas bien longtemps. J'ai tellement envie d'arriver à réussir les 4h40 dont je m'étais estimé capable auprès des mes coéquipiers avant le départ que je tente le tout pour le tout pour les réaliser en incluant la crevaison ; et pour une fois, je souhaite que le parcours ne fasse pas la distance pour me permettre de ne pas les décevoir.
Au km90, je redouble des triathlètes que j'avais doublés dans les 5 premiers km : les mégaboules !
Km120 passage en 2h57'01, le vent s'est levé, je continue à reprendre à chaque croisement une grosse minute à Fabien et une petite au flamand rose mais je sens que je commence à bien coincer. [NB : j'écris ces temps et moyennes, genre "c'est la routine, vous savez, pour un athlète de ma trempe, voyons" mais je suis carrément trop content sur le moment présent et les sensations de vitesse sont grisantes, je sens que le travail qualitatif récemment commencé paie, bref ça fait plaisir]. Mais au km135, le rideau tombe gentiment et je vais agoniser pendant 30km jusqu'à me relancer sur la fin. C'est long, long, long, le vent s'est bien levé, je manque de longues sorties et paie mon départ "généreux" (version positive de "présomptueux"). Je m'accroche et calme mes nerfs qui depuis plus de 3h sont soumis à la pression d'une nouvelle crevaison qui serait fatale pour l'équipe et si cruelle pour le marathonien qui s'est préparé.
Finalement enfin les bosses du final, les zig-zag dans la ville et je déchausse à la ligne pour courir filer ma puce à Vincent qui s'en va donc avec 6' de retard. Je finis avec un temps de 4h33'40 auquel s'ajoute les 3 arrêts. Je les estime à un petit 15 minutes en tout (en réalité 11') et donc un temps officiel de 4h44'29 pour un peu plus de 179,5km (630m de D+).
Une fois ma puce transmise à Vincent, je craque pendant quelques minutes : le soulagement d'avoir filé mon relais après avoir eu peur de tout gâcher, la frustration d'avoir tout donné mais peut-être mal, la fatigue d'un effort quand même bien particulier que celui d'un CLM de 180km, la satisfaction d'atteindre l'objectif des 39km/h mais le dégoût qu'il ne soit que virtuel (ben oui, le sport ce n'est pas des "si" et si j'ai roulé à cette vitesse c'est, en partie, grâce aux spécificités de certains éléments notamment le Crr des boyaux, spécificités qui induisent aussi une fragilité relative donc la réalité c'est le mix des deux paramètres pas le meilleur pris séparément donc pour l'instant je ne les vaux pas),... tout se mélange et je mets bien 10' à récupérer de mes émotions, pendant qu'un autochtone m'asperge d'eau comme on le fait sur une vieille Lada ensablée en contre-bas d'une dune.
Ensuite, nous allons faire les pointages pour Vincent mais sa douleur au pied (aponévrosite) et la chaleur ne prédisent rien de bon d'autant que le coureur en face a l'air bien aérien. Vincent fait le forcing sur le premier 10,5km passé en moins de 39' mais ne reprend pas grand chose et l'écart s'est stabilisé au semi. La course est quasi-pliée pour la gagne et il compose avec sa blessure pour conserver sa position. Bon au moins, nous aurons tous eu nos lots de difficultés, solidarité jusqu'au bout.
Au final, nous finissons donc 2è avec forcément des regrets mais surtout des moments inoubliables avant, pendant et après. Merci à toute la bande (Bachelor, Florian, Vincent, Dominique*2, Clémentine, Rémi, Xavier, Sandrine, Laurent*2, Jean-Marc, Bertrand, France, Anthony, Philippe et j'en oublie ...).
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