Après 1 jeudi soir à vomir la pasta-party et 1 vendredi à ne rien pouvoir manger et tenter de faire baisser la fièvre, je décide à 3h30 du mat de prendre le départ de la course pour ne rien regretter ensuite, la fièvre étant retombée durant la nuit.
Je me place au départ plutôt à gauche mais bien fébrile, j'ai vite froid et ça bastonne pas mal pour garder sa position. Je me réchauffe en piquant un petit sprint et en me décalant vers une zone moins agressive et me retrouve donc comme en 2007, première ligne en plein milieu.
Après 15' de nage stationnaire, le départ est donné et je fais, comme souvent lors de courses (type 10km à pied) effectuées à jeun, un très bon départ au niveau de la gestion de l'intensité. J'ai toujours une partie de la pasta bloquée à mi-estomac mais à part ça, je nage bien et ventile correctement. Le travail en musculation et en technique paie et grâce aux bonnes conditions météo, j'arrive à trouver un peu de glisse après les mille premiers mètres sponsorisés par Whirlpool.
La nouveauté de l'absence au 1/2 tour du traditionnel catamaran fait que l'on ne voit pas de loin où tourner. Au bout de 1700m environ, j'en ai déjà ras-le-bol et sens les forces diminuer. Enfin, le 1/2 tour, ça motive un peu. Au bout de 2200m pourtant, je sens déjà que je suis vidé, je dois nager depuis 35' environ et je me dis que ça doit correspondre à la transition vers le mode "dieselipide". Sur le mental, ça fait mal ! Je lutte désormais et me raccroche à ce que je peux pour continuer. Sur un énième "renvoi", sorte de vengeance personnelle envers la pourtant si belle gente pisciforme des horreurs de poissons panés ingurgités à la cantine, 20 ans plus tôt, je cherche un kayak pour abandonner. Le gars me répond que ce n'est pas avec lui qu'il faut voir. Bon... bah on va rentrer tranquille alors ! Comme c'est dur de lâcher, d'abandonner cette course. Ca l'est pourtant moins que je ne l'imaginais, sans doute car la veille, je ne pensais même pas être dans l'eau, sans doute aussi car je suis épuisé et que j'ai l'impression d'avoir tout donné. Après une vingtaine de secondes de flottement, je repars et récupère un petit groupe qui nageait 50m derrière. Le retour est assez rapide contrairement aux autres années et ça passe finalement bien d'autant que le dernier "renvoi" m'a libéré de l'oppression et que je me sens mieux, enfin disons vide mais libre.
Sortie d'eau : 58'34 sur le panneau. C'est super et je n'en reviens pas. Sans doute la bonne gestion de l'intensité du départ (pour une fois en nata), la bonne orientation, le bon coaching de Jérôme en natation ainsi la bonne stratégie de l'approche de l'entraînement pour cette partie de la course. Déjà, je ne regrette plus mon départ malgré le fatigant combat mental mené depuis déjà trop longtemps. Ce chrono me laisse espérer un 1h transition incluse quand je reviendrai me venger.
La transition se passe normalement et je sors du parc en 1h01. Début du vélo, j'entends les encouragements de Thomas qui doit être surpris de ce chant du cygne et continuant à essayer de me booster, je lui renvoie un poing fermé comme pour nous convaincre que ça peut passer.
Désormais je sais que mon seul salut est d'ingurgiter au moins 300kcal/h. Hélas, je n'y arrive vraiment pas, moi le gourmand, l'estomac sur pattes, le solide me remonte aussitôt. Je double quand même pas mal pendant les 15 premiers km et me fais doubler une fois. Le wattage est normal mais l'absence de dépassement du seuil dans les relances est déjà très mauvais signe. Arrivé sur la Queen K, je cherche à accélerer mais ça ne répond pas, sûrement la lenteur des boîtes automatiques locales ;-)
Mouaif...
Au km30 environ, Max Renko que j'avais rattrapé sur un faux plat descendant à Lanzarote me rattrape sur un faux plat descendant : hum pas bon. Nous nous tapons dans la main : il est vraiment extra, ce type. Il me passe lentement mais sûrement. Et je tente à 100m de m'accrocher à cette tâche rose. Le wattage est celui décidé avant course, la vitesse est normale (38,2km/h depuis le début) mais je suis déjà usé, épuisé mentalement et énergétiquement. L'expression "je n'ai rien dans le sac" me sied à merveille. Je cherche partout des raisons de continuer, de trouver de l'énergie externe alors que je suis convaincu qu'elle doit venir de l'intérieur. Je pense à tous ceux qui me soutiennent, à ceux qui m'ont permis d'être là, aux mots très gentils que j'ai reçus ce matin en partant, au premier non-qualifié dans ma caté à Lanza qui aurait rêvé d'être là, à mes potes de club qui doivent scruter l'ordi en quête de temps de passage, aux sacrifices que j'ai consentis, aux films que je n'ai pas vus, aux rires que je n'ai pas entendus.
Le dossard 1592 me passe également et nous nous repassons tous les 2-3km pendant 10km.
Au km43, je comprends que c'est mort. La course est partie depuis un peu plus de 2h et je sais que le combat sera trop long, je n'ai pas envie d'associer ce lieu magnifique à une longue galère. Je veux garder une image positive de cette roue magique. Pour y performer, il ne faut évidemment pas s'attendre à une partie de plaisir mais piocher pendant les 140km qui restent n'est pas envisageable. J'attends donc en roue libre, le prochain tapis de chrono (technique Khris ;-)) pour réduire le temps de tristesse de mes amis / famille avec le retour à l'évidence.
Au km 49,4 sur la Queen K, j'abandonne mon premier triathlon à l'endroit même où 2 ans plus tôt, je commençais à écrire mon plus beau souvenir de ce sport. Comme dans les sagas américaines, je compte sur un retour du jedi mais une chose est sûre, le prochain jedi, je ferai la pasta-party ailleurs.
I'll be back ! |