Impossible pour les amateurs de sport d'être indifférents aux remous provoqués dans les bassins par les combis que portent ou ne portent pas les nageurs de haut-niveau actuels et qui ont trusté les colonnes des médias lors des derniers championnats de monde de Rome (au point de voir des classements par combis comme le classement des constructeurs en F1).
Chacun possède son avis (qui consiste parfois à ne pas se sentir apte à se prononcer) et pour une fois, je serai d'un avis différent de celui développé sur l'excellent blog de PGB51 dont je suis un lecteur inconditionnel et souvent admiratif. Avec une plume plus lourde (désolé pour les yeux et l'esprit), voici donc ma position dont il convient de préciser que la valeur et la pertinence sont proportionnelles à mon niveau de natation et à mon expérience de ce type de matériel donc nulles ou vraiment pas loin ;-)
Les défenseurs de l'homologation des nouvelles combis argumentent souvent en faisant référence aux autres sports ayant bénéficié d'avancées technologiques pour accompagner ou permettre des performances. On cite généralement le vélo, la voile ou encore la perche ; comparaison qui, à mon sens, ne tient pas car tous ces sports sont des sports "mécaniques" ou du moins pour lesquels, la performance est très fortement corrélée au matériel et par principe médiée. On ne peut rouler sans vélo, naviguer sans bateau ni sauter sans perche mais l'on peut nager (et très vite) sans combi. Dans les trois premiers exemples, le matériel a toujours et forcément un rôle important or avec un simple maillot de bain, le matériel intervient de manière infinitésimale dans la performance alors qu'avec une combi polyuréthane, il prend une place discriminante. Ca change quand même radicalement les données.
De plus, la natation présentait un énorme avantage, à mes yeux, d'être l'un si ce n'est le sport le plus égalitaire de tous en terme de chance de réussite dans les compétitions :
- pas de problème d'ordre de passage avec une neige défoncée par les concurrents précédents comme au ski, avec une piste caillouteuse comme en rallye auto.
- avec les nouvelles lignes d'eau, un handicap pour les mauvais couloirs bien, bien plus faibles que pour un coureur de 400 aux couleurs extrèmes qui doit soit courir en aveugle soit avoir un virage plus long.
- pas de souci de dégradation de la météo comme sur un CLM vélo ou de vents différents entre 2 triple-sauts.
- une importance du matériel ultra-faible et peu coûteux (on pouvait être champion olympique avec 50 euros de maillot, lunettes, bonnet) contrairement à la voile, au ski etc...
- pas d'excuse du matériel du sponsor pas au niveau, de la combi déchirée au dernier moment etc...
Bref, c'était le sport à l'état pur : un plot, un bac, un nageur, un maillot et des lunettes histoire de ne pas avoir les yeux qui brillent sur le podium.
Or, ce côté-là disparaît complètement avec l'arrivée des combis pour lesquelles les nageurs sont parfois obligés de courir les magasins sauvages à la dernière minute et ne sont qu'à moitié satisfaits de leur record du monde car 1) ils savent qu'ils passent devant - un comble - de meilleurs nageurs qu'eux (exemple flagrant aux derniers championnats de France) 2) ils ne sont pas toujours sûr qu'ils soient homologués. Evidemment ce paramètre évoluerait rapidement si tout devenait légal mais dans l'intervalle, ce sport continue de naviguer en eaux troubles.
Un autre point qui me choque est que, selon les spécialistes, l'avantage n'est pas identique pour tous. Contrairement à un gain de 2kg sur un vélo qui avantage (très peu de toute façon) à quelques pouillèmes près tous les grimpeurs, à des pointes d'athlés qui aident (au moins sur la piste) tous de la même manière, la combi semble avantager les moins techniques, encore un comble pour un sport qui en faisait l'une de ses qualités premières. Popov au 100m ça ressemble quand même moins au Mayflower que Bousquet !
De par les effets gainants et flottants des nouvelles combis, l'équilibre traditionnel entre muscle, finesse, technique et souplesse est rompu au grand profit du muscle et même les gabarits les plus lourds ou ceux à la technique la plus dégradée conservent leur vitesse en fin de course. Et les nageurs les plus techniques sont les premiers perdants de l'affaire. A ce rythme-là autant faire un concours de rameur ou de tractions... Cette inégalité de bénéfice empêche donc de dire la combi X = 1' au 100m de gagnées etc... pour untel ce sera plus et pour Y moins. On ne peut donc savoir si Biedermann est réellement un meilleur nageur que Van Den Hoogenband alors que c'est un sport qui pouvait se permettre le luxe jusqu'à lors des comparaisons chronométriques. C'est dommage et galvauder des records du monde qui devraient être des instants magiques pour les nageurs et spectateurs ne l'est plus, ce qui est tout-de-même un signe que quelque chose cloche.
Je ne suis pas réfractaire au progrès, loin de là, et adorent les innovations technologiques mais autant je les trouve inscrites dans le principe et l'histoire du cyclisme par exemple qui ne peut faire abstraction du matériel, autant je trouve que la natation peut se permettre le luxe immense de conserver une indépendance vis-à-vis du matériel et de par la nature de son milieu et de ses contraintes, continuer à faire l'apanage de l'équilibre harmonieux (à mon goût, donc discutable) entre force et finesse, technique et puissance pure.
Encore une fois, pour l'occasion (et c'est une première et sûrement une dernière, ici) je parle de quelque chose que je ne connais pas et n'ai jamais testé et me base donc sur plusieurs avis recueillis auprès de spécialistes que j'ai estimé objectifs et pertinents mais peut-être sont-ils à côté de la plaque ... de polyuréthane ;-)
En bas de page, un petit lien intéressant et qui condense un peu les idées ci-dessus.
www.telleestmatele.com/article-33029172.html